Le nom de Caïn, ou "Qayin" en hébreu, signifie "parce que j’ai acquis".
"J'ai acquis" (qanithi en hébreu) peut aussi se traduire par "j'ai fait naître" ou "j'ai procréé".
Le texte hébreu mot à mot fait peser une ambigüité du fait de sa sobriété :
« J'ai acquis un homme avec JHVH ! ».
La traduction du rabbinat introduit l'adverbe "conjointement" ce qui laisse supposer que la femme fit un enfant "avec" Dieu pour conjoint.
Pour nuancer cette approche, la traduction Segond préfère :
« J’ai formé un homme avec l’aide de l’Eternel ».
Que faut-il en penser ?
Le Dieu de la Bible ne nous a pas habitués à descendre sur terre pour s'accoupler avec des femmes.
Il diffère sur ce point fondamentalement des divinités de différentes mythologies qui se livrent à ce type de "croisements".
Héraclès, notamment, était un "demi-dieu", fils de Zeus et d'une mortelle nommée Alcmène.
Cette croyance, voire cette espérance que la femme puisse enfanter un enfant avec une divinité, n'est pas neutre.
Elle donne à l'enfant-dieu une toute autre dimension que n'importe quel fils d'homme.
Avoir un enfant exceptionnel, n'est-ce-pas le rêve de nombreux parents ?
Il semble bien que la première femme, Eve, soit à l'origine de cette fabuleuse espérance.
Certes, le Dieu de la Bible n'a nullement procréé avec Eve.
Mais cela n'empêche pas la femme de le croire ou de le laisser croire.
Il peut être intéressant d'envisager un parallèle entre Eve et Marie avec la conception virginale de l'enfant Jésus.
Mais la suite des évènements nous écarte de cette hypothèse d'une préfiguration : la vie de Jésus est bien différente de celle de Caïn.
De plus, Marie reçut la visite d'un ange venu lui annoncer cette conception par l'Esprit Saint. Il n'y a rien de tel pour Eve.
Enfin, Eve semble se vanter d'avoir conçu un enfant avec Dieu tandis que Marie, loin de toute vantardise, est remplie d'humilité :
« Je suis l'esclave du Seigneur. Qu’il m'advienne selon ce que tu as dit ! » (Luc 1.38)
Au travers de la naissance de Caïn, et de l'illusion semée sur son origine divine, il faut plutôt voir la naissance de "l'humanité caïnique".
L'humanité caïnique, c'est celle du droit d'aînesse où chacun ambitionne d'être le premier.
C'est le monde de l'arrivisme, du combat des chefs, un combat impitoyable qui ne trouve d'issue que dans l'élimination du concurrent, y compris son propre frère.
Etre le premier, c'est ce qui est arrivé à Caïn, le premier-né d'Eve.
Mais ce droit d'aînesse tel qu'il s'est développé dans l'humanité est générateur d'un orgueil que Dieu s'emploie à casser : c'est ainsi que l'aîné est, le plus souvent dans la Bible, écarté des faveurs divines.
Cela commence avec Caïn et son jeune frère Abel :
« JHVH prêta de l'attention à Abel et à son offrande.
Mais il ne prêta pas attention à Caïn et à son offrande. »
(Genèse 4.4-5)
La naissance de "l'humanité caïnique" va accroître la déchéance qui a déjà frappé Adam.
Le couple primitif a été chassé du jardin d'Eden, mais il demeurait encore proche de la face de Dieu.
Suffisamment proche pour que la femme puisse prétendre avoir conçu un enfant avec Dieu.
Cette hérésie sera lourde de conséquences pour l'enfant et sa descendance.
Frustré de ne pas être mieux considéré malgré sa position d'aîné, Caïn va sombrer dans la jalousie : « Caïn en fut très irrité, prenant des allures assombries. » (Genèse 4.5)
Et ce venin mortel le conduira à commettre l'irréparable « car la jalousie met un homme en fureur, et il est sans pitié au jour de la vengeance ... » (Proverbes 6.34)