Avant de prendre conscience de leur nudité, il est écrit que « tous les deux étaient nus, Adam et sa femme, sans être honteux l'un devant l'autre. » (Genèse 2.25)
Mais quand ils s'en aperçoivent, leur première réaction face à Dieu n'est pas la honte mais la peur.
Ce qui compte dans la nudité, telle qu'elle est révélée dans la Genèse, ce n'est pas son approche physique pouvant susciter une "honte du corps", mais le fait d'être intégralement exposé à la lumière, non comme phénomène matériel, mais en tant que représentation allégorique du regard de Dieu.
Jésus proclame en Jean 8.12 : « Je suis la lumière du monde. »
Et l'Evangile selon Jean précise à propos de Jean le baptiste : « Il n’était pas la Lumière, mais il vint pour rendre témoignage de la Lumière. » (Jean 1.8)
Ainsi le regard de Dieu est-il conçu comme cette lumière invisible qui pénètre notre âme au plus profond, suscitant souvent la crainte d'être "vu" de l'intérieur.
Cette crainte n'est pas une préoccupation pour tous.
Certains s'imaginent ne pas être vus, en se cachant, ou à la faveur des ténèbres ...
« L’œil de l’adultère épie le crépuscule ; Personne ne me verra, dit-il, Et il met un voile sur sa figure. » (Job 24.15)
Ce passage extrait du Livre de Job a été commenté dans le Talmud par les rabbins.
L'adultère étant considéré comme un acte athée, parce qu'il ignore le regard de Dieu et ses commandements, le commentaire suivant a été rédigé :
« Il ne dit pas : personne ne me verra, mais : aucun œil ne me verra, ni l’œil d'un homme ici-bas, ni l'œil de Dieu là-haut. » (Nombres R. 9,1.)
Le fait d'ignorer le regard de Dieu n'est-il pas une façon de nier son existence ?
Il est intéressant de relever la proximité des termes hébreux désignant :
- la nudité, d'une part, qui se dit "erva",
- le crépuscule, d'autre part, qui se prononce "erev".
C'est à la faveur du crépuscule / erev que peut se dévoiler la nudité / erva pour l'accomplissement d'actes impurs dans l'obscurité.
Concernant Adam et Eve, il semble que ce soit au crépuscule qu'ils tentent de cacher leur nudité au regard de Dieu ... espérant peut-être qu'il ne serait pas nécessaire de se dissimuler pendant la nuit ?
« Ils entendirent le son de JHVH Elohim qui parcourait le jardin au souffle du jour.
Adam et sa femme se cachèrent loin des faces de JHVH Elohim, au milieu de l'arbre du jardin. »
(Genèse 3.8)
En fait, il n'est pas explicitement question du soir dans le texte biblique qui évoque seulement le "souffle du jour" que l'on a interprêté comme une brise du soir.
Le rabbin Rachi a commenté comme suit ce passage :
"Au souffle (le roua‘h – littéralement : « dans la direction ») du jour. Du côté où le soleil se couche, à l’ouest. A la fin de la journée, le soleil est à l’ouest."
Cette explication nous donne l'impression que Dieu suit le mouvement du soleil d'est en ouest.
Cette impression est renforcée par la traduction du rabbinat : « Ils entendirent la voix de l'Éternel-Dieu, parcourant le jardin du côté d'où vient le jour. »
Dieu vient du côté de la lumière naissante pour se diriger vers le couchant.
Le parallèle entre Dieu et la lumière est toujours présent.
Mais cette approche nous permet aussi d'avoir le sentiment que si le regard de Dieu suit le mouvement de l'astre solaire, du matin au soir, cela signifie qu'il peut veiller sur nous toute la journée.
« JHVH Elohim appela Adam et lui dit : "Où es-tu ?" » (Genèse 3.9)
Est-il possible que Dieu puisse ne pas voir Adam ... au point de devoir l'appeler ?
S'il est omniscient, omnipotent et omniprésent, comme l'affirment beaucoup de croyants, pourquoi a-t-il besoin de chercher Adam ?
Son omniscience lui permet de tout savoir ... mais ne l'oblige pas à nous observer en permanence.
L'omnipotence lui permet de tout faire ... mais il nous a laissé le libre-arbitre.
L'omniprésence lui permet d'être partout ... mais faut-il encore que nous lui ayons ouvert notre âme afin que sa lumière nous pénètre.
Dieu appelle Adam ... le laissant libre de répondre où de continuer à se cacher « au milieu de l'arbre du jardin », l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui est l'arbre du péché.
Et quand il nous appelle, que faisons-nous ?
Reconnaissons-nous notre péché ou nous efforçons-nous de nous dissimuler derrière le péché comme s'il s'agissait d'un arbre protecteur ?