Quand Adam fut chassé hors du jardin d'Eden, Dieu lui dit :
« La terre est maudite à cause de toi. C’est dans la peine que tu t'en nourriras tous les jours à vivre.
Elle te fera pousser des épines et des chardons : mange l’herbe du champ ! »
(Genèse 3.17-18)
La vie serait dure pour Adam et sa descendance, mais parmi les ronces, la terre pourrait encore produire de quoi se nourrir.
Le premier fils d'Adam, Caïn, en est le premier héritier puisqu'il était cultivateur.
Mais cette terre dont la culture lui incombait allait devenir totalement hostile.
La situation de Caïn est beaucoup plus délicate du fait de son crime.
La faute d'Adam avait généré une malédiction sur la terre.
Le meurtre d'Abel, et son sang versé sur la terre, suscite un rejet de celle-ci envers Caïn :
« Et maintenant tu es maudit depuis la terre qui a ouvert sa bouche béante pour recevoir de ta main les sangs de ton frère. » (Genèse 4.11)
Une terre maudite qui, en retour, proclame une malédiction ... voici un processus étrange qui peut sembler bien loin de nos conceptions modernes du monde.
Cette personnification de la terre nous renvoie au concept ancien de "Terre Mère" nourricière.
La plus belle illustration de cette Mère nourricière, c'est la "Terre promise" :
« Si JHVH nous est favorable, il nous mènera dans ce pays, et nous le donnera : c’est un pays où coulent le lait et le miel. » (Nombres 14.18)
Cette description de la Terre promise « où coulent le lait et le miel » est reproduite vingt fois dans le Premier Testament.
Elle illustre bien l'espérance d'un rétablissement de la grâce divine au travers d'une Terre nourricière.
Mais tout ceci ne sera pas pour Caïn !
Puisque le sol qu'il cultivait lui est devenu hostile, il ne lui reste plus qu'à errer pour mendier sa nourriture.
Un pays lui est assigné : « Caïn se retira des faces de JHVH et résida dans le pays de Nod, à l'est d'Éden. » (Genèse 4.16)
Cette précision géographique a conduit certains exégètes à vouloir localiser le Pays de Nod. Il pourrait correspondre à l'actuel Afghanistan.
En fait, il est peu probable qu'une quelconque localisation ait un sens.
Car ce pays inconnu est en fait le fruit d'un jeu de mots en hébreu entre Nod (verset 16) et le mot traduit par "vagabond" dans les versets 12 et 14 de ce chapitre de la Genèse.
Le Pays de Nod, c'est une terre d'errance, sans limites spatiales.
A l'est d'Eden, vous pouvez errer indéfiniment jusqu'à faire le tour de la Terre ... et revenir par l'ouest : vous serez toujours un vagabond !
Pour mieux saisir le sens de ce nom, il faut se référer à deux termes proches en hébreu :
- "nidda" qui signifie "errance",
- "nidouy" que l'on traduit par "bannissement".
Caïn est désormais un bani, un paria.
L'errance de Caïn s'accompagne d'une autre conséquence dramatique.
Il est écrit que « Caïn se retira des faces de JHVH ... »
Il faut se souvenir que ses parents, Adam et Eve, vivaient au contact permanent de Dieu dans le jardin d'Eden.
Leur éviction du jardin paradisiaque les a certes soumis aux contraintes du monde mais ils demeuraient sous les regards de leur Créateur.
Caïn comme son frère, Abel, bénéficiaient encore de cette relation avec Dieu.
Ils parlaient à Dieu et celui-ci s'adressait à eux.
Pour Caïn, le dialogue est désormais rompu par son éloignement des faces de Dieu.
Caïn n'aura plus de relation personnelle avec son Créateur.
Précisons ici que le mot hébreu est toujours au pluriel ce qui nous incite à traduire faces de Dieu et non "face" au singulier.
Pourquoi ce pluriel ?
Parce que l'on ne peut ainsi faire aucune représentation d'une "face" d'un Dieu qui est Esprit (Jean 4.24) et qui, par sa dimension infinie, ne saurait avoir une seule "face" comme l'homme ... mais un nombre incalculable de faces.
De ce fait, se retirer comme Caïn des faces de Dieu implique le retrait de l'Esprit Saint de celui qui devient ainsi seul face à lui-même.