En 1962 paraissait un ouvrage intitulé : "Vers une civilisation du loisir ?"
Confronté aux idéologies dominantes qui valorisaient le travail, l'auteur entendait soutenir le loisir comme une nécessité vitale.
Son propos était bien intentionné, mais il a été dépassé par la nature humaine.
Car face aux conditions dans lesquelles les travailleurs étaient surexploités, dès le XIXe siècle était paru : "Le droit à la paresse".
1. Le travail et la paresse.
Dans un système où la paresse devient un droit, elle ne tarde pas pour certains à devenir un devoir.
De ce fait, pour vivre, ces individus doivent recourir à toutes formes d'expédients.
Le vol et la criminalité en feront partie, ou plus simplement le parasitisme social.
Il va de soi que Paul, dépositaire d'une éthique de vie des plus rigoureuses, ne pouvait entrer dans cette catégorie ...
« Je n’ai désiré ni l’argent, ni l’or, ni le vêtement de personne.
Vous savez vous-mêmes que ces mains ont pourvu à mes besoins et à ceux qui m'accompagnaient. » (Actes 20.33-34)
Il a tenu ces propos devant les anciens d'Ephèse, et il n'hésite pas à rappeler dans ses lettres combien il entendait n'être à la charge de personne :
« Nous ne cherchons pas non plus la gloire qui vient des hommes, ni de vous ni des autres.
Nous aurions pu nous imposer comme apôtres de Christ. Mais nous sommes restés parmi vous comme des enfants. C'est ainsi qu’une nourrice soigne tendrement ses propres enfants.
Pleins d'affection envers vous, nous avons jugé bon de partager avec vous non seulement l’Evangile de Dieu, mais aussi notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers.
Rappelez-vous, frères, notre travail et nos fatigues. Travaillant nuit et jour pour n’être à la charge d'aucun de vous, nous vous avons prêché l’Evangile de Dieu.
Vous êtes témoins, et Dieu aussi, que nous avons eu envers vous qui croyez une conduite sainte, juste et irréprochable. » (1 Thessaloniciens 2.5-10)
Son ministère apostolique aurait pu l'autoriser à se dispenser de certaines tâches.
Mais il entendait mettre en application cette directive de Jésus donnée aux apôtres quand Il les envoya en mission :
« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Matthieu 10.8)
Et cette discipline qu'il s'imposait, Paul voulait la voir respectée par les disciples.
Il n'était donc pas question de vivre dans la paresse ou le désordre ...
« Nous vous recommandons, frères, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, de vous tenir à distance de tout frère vivant dans le désordre, sans respecter les instructions reçues de nous.
Car vous savez comment il faut nous imiter puisque nous n’avons pas vécu parmi vous dans le dérèglement.
Nous n’avons pas même mangé gratuitement le pain de quiconque, mais, dans le travail et dans la peine, nous avons œuvré nuit et jour, pour n’être à charge d'aucun de vous.
Ce n’est pas que nous n’en ayons le droit, mais nous voulions être nous-mêmes un modèle à imiter.
Car, lorsque nous étions chez vous, nous vous avons prescrit ceci : "si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus !"
En effet, nous entendons dire que certains d'entre vous vivent dans le désordre, ne travaillent plus, mais prétendent se mêler de tout.
Nous invitons ces gens-là, et nous les exhortons par le Seigneur Jésus Christ, à se remettre calmement au travail pour manger leur propre pain. » (2 Thessaloniciens 3.6-12)
A chacun selon son travail ... faute de vivre dans une société où la manne nous tombe du ciel !
2. Cupidité et convoitise.
Cupidité et convoitise vont de pair :
« Leur pensée prisonnière des ténèbres les rend étrangers à la vie de Dieu, à cause de l'ignorance qui les habite et de l'endurcissement de leurs cœurs.
Ceux qui sont devenus inconscients se sont livrés à la débauche en vue de pratiquer toute impureté dans la cupidité.
Vous, vous n'avez rien appris de tel en Christ !
Si du moins c'est bien de Lui que l'on vous a parlé, et en Lui que vous avez été enseignés, conformément à la vérité qui est en Jésus.
Débarrassez-vous de votre conduite passée, du vieil homme qui se corrompt au gré des convoitises trompeuses. » (Ephésiens 4.18-22)
Le simple fait de les évoquer, par la parole ou en esprit, est une porte ouverte pour le passage à l'acte :
« Que toute débauche, impureté ou cupidité ne soient pas même nommées parmi vous, comme il convient à des saints.
Pas de grossièretés, de propos stupides ou scabreux qui sont inconvenants mais des actions de grâce.
Car, sachez-le bien, tout débauché, impur, ou cupide - c’est un idolâtre - n’a d’héritage dans le Royaume du Christ et de Dieu. » (Ephésiens 5.3-5)
Il convient donc d'éliminer en soi ce qui est toxique :
« Faites donc mourir ce qui, dans vos membres, est terrestre : la débauche, l’impureté, les passions, les mauvais désirs, et la cupidité qui est une idolâtrie. » (Colossiens 3.5)
3. Les envies.
Confronté à ce monde en dérive, Paul distingue, d'une part, la réalité quotidienne d'une majorité qui se soumet aux tentations ...
« Remplis de toute sorte d'injustice, de perversité, de cupidité, de méchanceté, ils sont pleins d'envie, de meurtre, de querelles, de ruse, dépravés et diffamateurs. » (Romains 1.29)
... et d'autre part ceux qui entendent vivre en harmonie dans la foi :
« Ne soyons pas vaniteux : pas de provocations réciproques, pas d'envies les uns envers les autres. » (Galates 5.26)
Ne pas envier son prochain ... cela ne semble pas évident quand la réussite sociale est trop souvent liée à l'argent et à la corruption !
4. Argent et corruption.
Pourtant, il est indispensable de ne pas se laisser séduire :
« Ces gens à l'esprit perverti se disputent. Privés de la vérité, ils croient que la piété est une source de gain.
C’est effectivement une grande source de gain que la piété pour qui s'en contente.
Car nous n’avons rien apporté dans le monde, et nous n’en pouvons rien emporter.
Si nous avons la nourriture et le vêtement, nous nous en contenterons.
Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation et dans le piège de multiples désirs insensés et funestes. Ceux-ci plongent les hommes dans la ruine et la perdition.
Car l’amour de l’argent est la racine de tous les maux. Certains, pour s'y être livrés, se sont égarés loin de la foi, et se sont infligés de multiples tourments.
Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses. » (1 Timothée 6.5-11)
Il semble cependant possible, selon Paul, de connaître une certaine réussite sociale, voire même de s'enrichir, sans se laisser aveugler ...
« Recommande aux riches de ce monde de ne pas être prétentieux, de ne pas espérer longtemps dans des richesses précaires mais en Dieu, qui nous donne tout en abondance pour en avoir la jouissance.
Qu'ils fassent le bien, riches en bonnes œuvres, qu'ils soient de généreux donateurs prêts à partager.
Ils amassent ainsi pour eux-mêmes de bonnes bases pour l'avenir, en vue d'accéder à la vie véritable. » (1 Timothée 6.17-19)
Jésus est cependant resté très réservé sur ce point quand Il fut confronté à un jeune homme riche :
« Il est plus facile à un chameau de passer à travers le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. » (Marc 10.25)
Quant à Jacques, la violence de ses propos ne peut laisser indifférent :
« Et maintenant, vous les riches, pleurez en hurlant sur les malheurs qui vont venir.
Votre richesse est pourrie, et vos vêtements mangés par les mites.
Votre or et votre argent rouillent et cette rouille témoignera contre vous, elle consommera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé des richesses jusqu'aux derniers jours.
Ecoutez le cri du salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et que vous avez gardé. Les clameurs des moissonneurs sont montées aux oreilles du Seigneur des armées. » (Jacques 5.1-4)
Paul nous annonce, dans les derniers temps, que cet amour de l'argent sera associé à toutes sortes de comportements blâmables.
Notre société moderne est en effet bien décrite par ces versets ...
« Sache bien ceci, dans les derniers jours surviendront des moments difficiles.
Car les hommes seront égoïstes, aimant l'argent, fanfarons, orgueilleux, blasphémateurs, insoumis à leurs parents, ingrats, sacrilèges.
Ils seront dépourvus d'affection, implacables, médisants, indisciplinés, cruels, ennemis du bien.
Traîtres et emportés, ils seront aveuglés par l'orgueil, amis du plaisir plutôt qu'amis de Dieu.
Ils s'en tiendront aux apparences de la piété tout en ayant renié sa puissance. Aussi, détourne-toi de ces gens-là ! » (1 Timothée 3.1-5)
Et la conclusion qui s'impose est celle-ci :
« Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption. Mais celui qui sème pour l’Esprit, moissonnera de l’Esprit la vie éternelle. » (Galates 6.8)
L'amour de l'argent et tout ce que cela induit est étroitement associé à la corruption du corps ... comme de l'esprit !
Trois thèses sont en présence :
- celle de Jacques qui, face aux comportements ignobles des riches, les conduit à une condamnation sans appel,
- celle de Paul, qui permet un enrichissement sans tomber dans l'égoïsme, largement reprise par l'Eglise, mais qui a donné lieu a de multiples dérives,
- celle de Jésus qui ne se fait guère d'illusions sur la capacité des riches à se détacher de leur fortune.
Il va de soi que les enseignements de Jésus demeurent prioritaires, sans oublier ce qu'Il répondit aux disciples qui s'inquiétaient du salut de ces pécheurs :
« Tout est possible à Dieu ! » (Marc 10.27)