Quel Nom donner au Seigneur ?

יְהוָֹה

« Tu n'invoqueras point le nom de l'Éternel ton Dieu à l'appui du mensonge ;

car l'Éternel ne laisse pas impuni celui qui invoque son nom pour le mensonge. »

(Exode 20.7)


Le troisième commandement est reproduit ci-dessus selon la traduction du rabbinat.

Celle-ci a l'avantage de bien délimiter dans quel cadre le Nom divin ne doit pas être invoqué : celui du mensonge.

Peut-on en déduire que le Nom divin puisse être invoqué en toutes autres circonstances ?

Il semble que les anciens israélites utilisaient couramment le tétragramme (mot de quatre lettres) sacré « JHVH » que les translittérations françaises s'efforcent de reproduire par « YHWH ».

Plus personne ne peut dire avec certitude comment le tétragramme était prononcé il y a 2500 ans. Que s'est-il passé ?

Andrea Cohen, docteur en philosophie et rabbin de la synagogue de Birmingham, écrit ceci dans un ouvrage sur Le Talmud :

"A l'époque biblique, l'usage de ce nom dans le langage courant ne semble avoir soulevé aucun scrupule. Nombreux sont les noms de personnes composés avec Jah ou Jahou, même après l'exil babylonien ; ceci indique bien que l'emploi du tétragramme n'était nullement prohibé. Mais dès les premiers temps de la période rabbinique, on ne le prononça plus que dans le service du temple."

L'emploi courant du tétragramme aux temps bibliques nous est confirmé en Genèse 4.26 :

« C'est alors que l'on commença à invoquer le nom de JHVH. »

Mais ceci a été perçu comme une profanation par les rabbins. Ainsi Rachi, au XIe siècle après J.C., commentait ce verset en ces termes :

"Le mot hou‘hal (on commença) est à rapprocher de houlin (profanation). On donnait aux hommes et aux plantes des noms du Saint béni soit-Il, en leur rendant un culte idolâtre et en les désignant comme des dieux."

N'est-ce pas du fait de ce genre de dérives que Jésus a repris une prophétie d'Ésaïe :

« Ce peuple m'honore par ses lèvres, mais son cœur est loin de Moi.

En vain, ils me vénèrent, les préceptes qu'ils enseignent ne sont que directives humaines. » (Ésaïe 29.13 & Matthieu 15.8-9)



Quelle est l'origine du Nom divin ?

Dieu se nomme d’abord et exclusivement « Elohim », de Genèse 1.1 à 2.3, à 28 reprises. C’est la première phase, celle de la création.

De Genèse 2.4 à 3.23, c’est « JHVH Elohim » (que l'on traduit par l’Eternel Dieu ou le Seigneur Dieu) qui apparaît exclusivement à 21 reprises. C’est la seconde phase, celle du séjour de l’humanité primitive aux côtés du Créateur jusqu’à l’exclusion du jardin d'Eden.

« JHVH » apparaît seul à partir du chapitre 4 de la Genèse. C’est la troisième phase, celle de l’histoire de l’humanité livrée à elle-même.

« Elohim » est souvent utilisé par la suite (plus de 2000 fois).

« JHVH Elohim » apparaît encore ponctuellement une vingtaine de fois.

Mais « JHVH » est le plus employé avec plus de 5800 mentions dans le Premier Testament, ou « Tanakh », qui constitue la Bible hébraïque.

D'autres expressions, comme « Adonaï », c'est-à-dire Seigneur, sont aussi employées pour qualifier Dieu.

« Adonaï » est une forme plurielle tout comme « Elohim ». Avec la période rabbinique, il sera couramment employé dans la prière pour éviter le tétragramme « JHVH ».

Dans le langage courant, en substitution du tétragramme, on dit "Hashem" : le Nom.

On évite aussi de prononcer « Elohim » en le remplaçant par "Eloqim".



Première phase : au temps d'Elohim, le Créateur ...

Il est face à face avec Sa création. Il ordonne par Sa parole l’univers engendré.

Il s'adresse aux éléments quand « Dieu dit ... » ("Vayomer Elohim" en hébreu).

Il est à la fois, Père, Fils et Saint-Esprit, cette Trinité révélée aux chrétiens ultérieurement qui se manifeste dès le commencement par Elohim.

Car Elohim est un mot hébreu au pluriel placé en troisième position du premier verset :

« Bereshit bara Elohim » que nous pourrions traduire par « Au commencement DieuX créa ... ».

Dans sa traduction de la Bible, André Chouraqui souligne cette singularité en écrivant Son nom : « Elohîms ».

Cette pluralité également soulignée pour « Adonaï » n'est-elle pas le reflet des trois étapes de la révélation divine ?

Il peut ainsi être l’anticipation de Sa présence parmi les hommes, notamment au sein du premier couple humain avec lesquels se forme une trinité.

Certains exégètes considèrent que Elohim est « l’homme d’en haut » et Adam « l’homme d’en bas ».

L’expression « fils d’homme » est employée dans le Premier Testament pour distinguer ceux qui demeurent dans les voies de Dieu.

Il faut également avoir en mémoire que Jésus se nommait Lui-même « Fils de l’Homme » en Sa qualité de messie.



La seconde phase, avec JHVH~Elohim, c'est le temps de ABBA

Jésus appelait son Père : « Abba ».

« Croyez que je suis dans le Père et le Père en moi. » (Jean 14.11)

La relation entre le Père et le Fils est directe, car Ils vivent en communion, comme Dieu avec Ses enfants, Adam et Eve, aux premiers temps de la Genèse.

Ils pouvaient L'appeler « Abba » et Le croiser, notamment le soir, quand Il parcourait le jardin d'Eden (Genèse 3.8).

« Demeurez en moi, et moi en vous ! Tout comme le sarment ne peut porter de fruit par lui-même s'il ne demeure sur la vigne, de même, vous ne le pourrez si vous ne demeurez en moi. » (Jean 15.4)

Le premier couple humain n'a pas su demeurer dans le sein du Père. Le lien a été rompu.

La relation fusionnelle de JHVH~Elohim avec l’humanité au temps du jardin d’Eden sera par la suite limitée et se remarque encore par une vingtaine de mentions de JHVH~Elohim dans tout le reste du Premier Testament.

Cette dénomination est alors employée pour souligner la révérence nécessaire envers Dieu (Exode 9.30 ; 2 Samuel 7.22 ; 1 Chron. 17.16 & 17), Sa puissance (2 Samuel 7.25 ; 2 Chron. 1.9 ; Jonas 4.6), Sa présence dans le Temple (1 Chron. 22.1 & 19 ; 29.1 ; 2 Chron. 6.41 & 42 ; 26.18) ou aux côtés de ses fidèles (1 Chron. 28.20 ; 2 Chron. 32.16 ; Néhémie 9.7).

Cette présence va aussi se révéler par un nouveau Nom en Ésaïe 7.14, verset repris en Matthieu 1.23 :

« Voici la vierge aura un fils dans son ventre et enfantera, et ils l'appelleront du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous. ».

Nous trouvons le plein accomplissement de cette prophétie au terme de la Bible, sous de nouveaux cieux et sur une nouvelle terre ... un nouvel Eden :

« Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il y vivra avec eux et Ses peuples avec Lui. Et Lui sera : Dieu avec nous. » (Apocalypse 21.3)



La troisième phase, c'est le temps de JHVH ...

Les humains sont partis, JHVH reste seul.

Qu’il est loin le temps où Il se promenait le soir dans le jardin pour rencontrer Ses enfants (Genèse 3.8).

L’humanité déchue s’éloignera de plus en plus de son père créateur. A tel point qu’Il finira même par oublier Ses créatures.

Pourtant, Dieu se souvint de Noé sur son arche (Genèse 8.1) ou de Son peuple réduit en esclavage en Egypte (Exode 2.24).

JHVH n’est pas sourd aux prières car Il est miséricordieux. Sa présence subsiste par la "chekhina" : Sa résidence.

La chekhina était conçue comme toute-présente du fait de l'omniprésence divine, mais certains lieux et circonstances ayant un caractère sacré favorisaient cette résidence.

Il en était ainsi de la tente d'assignation, ou Tabernacle, puis du Temple, conçus comme la demeure de Dieu, lieu de rencontre privilégié.

Mais qui allait-on rencontrer ?

JHVH ou Elohim ?

Selon certains rabbins, l’homme ne peut se connecter par JHVH mais par Elohim qui exprime la rigueur, la justice, au travers des 613 commandements que les Israélites seraient tenus d'observer.

La Loi d’Elohim serait ainsi la seule voie d’approche de l’Amour de JHVH.

Une telle approche de la relation personnelle entre l'homme et Dieu diverge fondamentalement de la conception chrétienne fondée sur la foi en Jésus et non plus sur une loi.



Le Nom ressuscité

Nous avons vu ci-dessus que l'emploi du tétragramme devait être courant aux temps bibliques.

Le fait que beaucoup de noms hébraïques comportent une partie des lettres du tétragramme en atteste.

L'un de ces noms porte les quatres lettres du tétragramme, c'est JHVDH, le nom de la tribu de Yehouda, ou Juda, d'où provient également le terme de Juif.

Ainsi, les descendants de Yehouda ont un rôle particulier du fait de ce Nom inscrit dans la racine du peuple élu car « le salut vient des juifs. » (Evangile selon Jean 4.22)

Le Talmud mentionne cette affirmation à propos du peuple élu :

« Je suis Dieu pour tous ceux qui viennent au monde, mais c'est à toi seul que j'ai associé mon nom. » (Exode R. 29, 4)

Le choix du Nom aux temps anciens pouvait préfigurer le devenir où la mission d'un enfant.

Relisons le premier chapitre de l'Evangile selon Luc pour illustrer ce propos avec la naissance de Jean-Baptiste.

Tout le monde s'attendait à ce qu'il porte le nom de son père Zacharie, mais un ange du Seigneur était porteur d'une autre volonté.

Il s'appellera Jean, « Johanan » en hébreu, qui signifie "Dieu fait grâce" ou "Dieu est favorable".

Mais la meilleure illustration, c'est le nom de Jésus, descendant de Juda, dont le Nom fut aussi préconisé à Joseph par un ange du Seigneur (Matthieu 1.20-21) car « c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Jésus, Yehoshua ou Yeshoua, est aussi un prénom dérivé du Nom divin qui signifie : Dieu sauve !



De JHVH à Jésus

Jésus est-Il l'incarnation de Dieu ?

Les chrétiens le croient. Ceux qui le nient ne sauraient identifier, dans le nom de JHVH, une quelconque anticipation de Sa manifestation ultérieure dans la personne de Jésus Christ.

Mais que signifie JHVH ?

Pour nous l'expliquer, voyons ce que dit le professeur Shmuel Trigano dans son ouvrage : Le judaïsme et l'esprit du monde.

"Dieu se révèle sur le mode de l'être : d'abord sous le nom « Je serai qui je serai » (Exode 3.14), puis sous celui de YHVH (3.16), sous un premier nom qui échappe à la saisie en s'annonçant au futur, puis sous un nom qui dérive lui aussi du radical verbal désignant l'être (hvh). YHVH pourrait bien signifier « il sera », car le préfixe yod (y) est la marque du futur, quoique futur sortant de l'ordinaire."

« Il sera » n'est-il pas l'annonce du devenir de Dieu par l'incarnation en Son fils unique : Jésus Christ ?

« Je serai » et non "Je suis" comme l'indiquent la plupart des traductions car il s'agit d'un futur, d'un devenir, et non d'un état figé au présent.

Jésus n'est-il pas ce "futur sortant de l'ordinaire" dont le sacrifice sur la croix allait changer le monde ?

Grâce à Jésus, le voile du Temple s'est déchiré (Matthieu 27.51 ~ Marc 15.38 ~ Luc 23.45).

L'accès du Temple était limité. L'emploi du Nom divin y était réservé. L'approche de Dieu était-elle encore possible ?

Jusque vers 200 avant notre ère, le nom divin était prononcé tous les matins dans le Temple lors de la bénédiction sacerdotale.

Puis le Nom ne fut plus entendu "comme il est écrit" que dans la liturgie de Yom Kippour dans le Temple de Jérusalem.

Le voile déchiré n'est-il pas le symbole de la renaissance d'une relation personnelle avec Dieu afin que Ses enfants puissent l'appeler de nouveau par Son Nom ?

Jésus nous offre ainsi la faculté de rétablir une connexion comparable à celle des premiers temps. Il nous permet de connaître Dieu.

Appelons-Le « Notre Père » ; « Abba » ; « JHVH~Elohim » ... peu importe pourvu que nous L'appelions.

Il n'y a plus de voile de séparation.

Avec Jésus, la clé de la connaissance de Dieu est rendue aux hommes et aux femmes du monde entier : elle leur permet d'ouvrir la porte du nouvel Eden ...

... pour l'éternité.


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